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Les Français en Turquie : une histoire pluriséculaire de rencontres et d’influence

  • Photo du rédacteur: Admin LCF
    Admin LCF
  • 30 mai
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 juin




Quand on parle des relations entre la France et la Turquie, on pense souvent aux ambassades, aux traités ou aux échanges commerciaux. Pourtant, au-delà des enjeux politiques, se révèle une histoire humaine et culturelle, faite de dialogues, de brassages, parfois de tensions, mais toujours marquée par une curiosité partagée.

Alors que les équilibres mondiaux changent, il est important de redécouvrir ces liens invisibles qui relient Paris à Istanbul, Marseille à Izmir. L’implantation française en Turquie, entamée dès le Moyen Âge, dépasse le simple fait historique : elle constitue un fil vivant de notre mémoire commune.

Des croisades aux coopérations éducatives, en passant par le commerce et la diplomatie, retraçons ensemble le parcours singulier de cette présence française en Turquie.


  1. Aux origines : croisades et premiers contacts (XIe–XIIIe siècles)


C’est avec les croisades, à partir de 1095, que les premiers liens directs entre les Français et les terres turques voient le jour. À cette époque, les Turcs seldjoukides contrôlent l’essentiel de l’Anatolie. Si les croisades entraînent des affrontements sanglants, elles donnent aussi lieu à des premiers échanges durables.

Les Croisés français traversent l’actuelle Turquie pour atteindre Jérusalem. Certains établissent des comtés francs en Orient, comme ceux d’Édesse(Urfa) ou d’Antioche (Antakya), installant les premières communautés latines dans la région. Dans les ports anatoliens, les marchands commencent à faire escale, esquissant un embryon de réseau commercial entre les deux rives de la Méditerranée.


  1. L’alliance franco-ottomane : une diplomatie novatrice (XVIe–XVIIIe siècles)


En 1536, une alliance diplomatique inédite voit le jour entre François Ier et Soliman le Magnifique. Face à l’empereur Charles Quint, les deux souverains scellent une entente stratégique. C’est le début d’une ère nouvelle : celle des Capitulations, ces accords qui accordent aux Français des privilèges sans précédent dans l’Empire ottoman.

Ces accords permettent aux ressortissants français de bénéficier de juridictions propres, d’exemptions fiscales, et de la liberté religieuse. En échange, la France devient officiellement la protectrice des chrétiens latins de l’Empire. Dès lors, les implantations françaises se multiplient : comptoirs à Smyrne (Izmir), Istanbul, Alep ; couvents, écoles et hôpitaux animés par les Capucins, Dominicains ou Lazaristes.


  1. Le XIXe siècle : l’apogée de l’influence française


Le XIXe siècle marque un âge d’or de la présence française dans l’Empire ottoman. Le français devient la langue des élites, de la diplomatie, de la culture. Les établissements scolaires se multiplient : Saint-Benoît, Notre-Dame de Sion, Saint-Michel, autant de noms qui résonnent toujours.

La fondation du Lycée Galatasaray en 1868, fruit d’un partenariat franco-ottoman, incarne cette synergie culturelle. L’enseignement y est bilingue, et l’établissement devient un modèle d’excellence.

Parallèlement, les entreprises françaises participent activement au développement des infrastructures ottomanes : chemins de fer (notamment la ligne Istanbul-Bagdad), gaz, eau, éclairage urbain… La Banque Ottomane, à capitaux majoritairement français, joue un rôle central dans la modernisation économique de l’Empire.

Sur le plan religieux, les ordres français poursuivent leur œuvre sociale, fondant hôpitaux, orphelinats et institutions caritatives. L’hôpital La Paix (Lapee) à Istanbul en est un exemple emblématique.


  1. L’ère républicaine : rupture et adaptation (XXe siècle)


Avec la proclamation de la République turque par Mustafa Kemal Atatürk en 1923, un tournant s’opère. Les Capitulations sont abolies, et les institutions étrangères doivent désormais se conformer au droit turc.

Malgré cette rupture avec le passé impérial, la présence française ne disparaît pas. Plusieurs établissements francophones sont nationalisés ou réorganisés, mais poursuivent leur mission éducative. Le Lycée Galatasaray, transformé en lycée public turc, conserve son esprit franco-turc. L’ouverture de l’Institut français à Istanbul, Ankara et Izmir marque la volonté de maintenir un dialogue culturel fort.

Les coopérations s’élargissent : universités, droit, urbanisme, beaux-arts… La France continue d’influencer, d’échanger et de collaborer avec la Turquie républicaine.


  1. Le XXIe siècle : entre continuité, coopération et tensions


Aujourd’hui, plusieurs milliers de Français vivent en Turquie, principalement à Istanbul, Ankara et Izmir. Cette communauté diverse regroupe diplomates, entrepreneurs, enseignants, membres d’ONG ou citoyens binationaux.

Le réseau éducatif reste dense : Lycées Français et francophones à Istanbul, Ankara et Izmir. L’Institut français continue de promouvoir la francophonie à travers expositions, débats, projections et festivals.

Cependant, les relations politiques entre les deux pays connaissent des hauts et des bas. Malgré ces tensions, les coopérations économiques et éducatives perdurent, notamment dans l’aéronautique, l’énergie ou l’agroalimentaire.


Marie-Rose Koro

4 Comments


Guest
il y a 6 jours

2 langues, 2 cultures, 2 fois plus d'emotions !

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Guest
Jun 14

Merci

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Ceren
Jun 12

Deux rives, un seul cœur

Merci Marie-Rose pour cet article profondément nourri d’histoire et d’humanité.

Je suis née à Izmir, mais j’ai grandi à Paris. Mon enfance s’est tissée entre les bancs d’une école républicaine et les odeurs de boulangerie du matin, tandis que mes racines, elles, respiraient l’air salé de la mer Égée et le parfum du thym chaud d’Anatolie.

Aujourd’hui, je vis à nouveau à Izmir. Et chaque jour, je mesure à quel point les liens entre la France et la Turquie dépassent les cadres diplomatiques : ils vivent en nous. Ils chantent dans les voix de ceux qui parlent deux langues, pensent dans deux cultures, et aiment avec un cœur élargi.

Votre texte rappelle que cette présence…

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Guest
Jun 12

Super merci :-)

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