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Quand la Turquie vit à l’écran

  • Photo du rédacteur: Admin LCF
    Admin LCF
  • il y a 7 jours
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

Les réseaux sociaux, miroir et moteur d’une transformation sociétale


En Turquie comme ailleurs, le numérique n’est plus une simple extension du réel : il en est devenu le cœur battant.Avec près de 60 millions d’utilisateurs actifs des réseaux sociaux, le pays figure aujourd’hui parmi les plus connectés au monde.Mais au-delà des chiffres, c’est une mutation sociale et culturelle que l’on observe : celle d’une société qui, en quelques années, a fait du téléphone portable non seulement un outil de communication, mais un vecteur d’identité, d’expression et d’appartenance.

Les réseaux sociaux façonnent désormais les manières de s’informer, de se rencontrer, de débattre et même de rêver. Ce nouvel espace virtuel, à la fois ouvert et cloisonné, stimule la créativité autant qu’il interroge la cohésion sociale.


Une hyperconnexion devenue mode de vie

En moyenne, un internaute turc passe plus de sept heures par jour en ligne, dont plus de la moitié sur les réseaux sociaux.Instagram, TikTok et X (ex-Twitter) dominent, rejoints par YouTube et les messageries instantanées comme WhatsApp.Les jeunes générations, nées après 2000, ne distinguent plus clairement le monde « en ligne » du monde « réel » : la vie numérique est la vie tout court.

Cette hyperconnexion modifie la perception du temps et du lien social.La conversation se fait notification, la sociabilité devient flux.L’image, la vitesse et l’émotion priment sur la durée, la réflexion ou la nuance.Le smartphone, prolongement de la main, devient un instrument de visibilité et parfois, paradoxalement, d’isolement.


L’influence culturelle : entre ouverture et standardisation

Les réseaux sociaux ont offert à la Turquie une vitrine mondiale.La musique, la mode, le cinéma ou les séries turques s’exportent désormais grâce à la viralité numérique.Les créateurs turcs, influenceurs ou artistes, façonnent une culture hybride, mêlant traditions locales et codes globaux.

Mais cette ouverture a son revers : la standardisation culturelle.Les tendances mondialisées effacent parfois la richesse des particularismes régionaux, et la logique de l’algorithme favorise ce qui plaît « partout » plutôt que ce qui parle « d’ici ».Ainsi, derrière l’apparente diversité, une forme d’uniformisation subtile s’installe, où les valeurs du marché global pèsent sur les imaginaires locaux.


Une société du paraître et de la comparaison

La vie en ligne nourrit une économie de l’image et du regard.Les réseaux deviennent un miroir déformant où chacun mesure sa valeur à l’aune de la visibilité : likes, partages, abonnés.Cette quête d’attention, alimentée par les algorithmes, fragilise l’estime de soi et exacerbe la comparaison sociale, en particulier chez les jeunes.

Le succès s’y confond parfois avec la popularité, l’opinion avec l’émotion, la réalité avec sa mise en scène.On assiste à une tension entre authenticité et performance, où l’être humain, souvent, se transforme en produit de communication.

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La fracture numérique et les nouveaux rapports de pouvoir

Si la majorité de la population turque est connectée, la fracture numérique persiste.Certaines zones rurales, populations âgées ou milieux modestes restent en marge.Ainsi, le numérique, censé rapprocher, creuse parfois des écarts : d’accès, de savoir, d’influence.

Le pouvoir se déplace aussi : de l’État et des institutions vers les plateformes privées, souvent étrangères.Les débats publics migrent vers des espaces qui échappent en partie au contrôle national, redéfinissant la notion même de souveraineté culturelle.


Vers une conscience numérique turque ?

Face à ces bouleversements, une nouvelle conscience critique émerge.Des voix s’élèvent pour réclamer un usage plus éthique, plus réfléchi du numérique.Des initiatives locales cherchent à valoriser les contenus éducatifs, la création indépendante, ou les médias citoyens.Le défi est de taille : faire du numérique non pas un instrument d’aliénation, mais un outil d’émancipation collective.


En guise de conclusion on peut dire que la société turque vit aujourd’hui une transition silencieuse mais profonde : celle d’un passage de la place publique à la place numérique.Ce mouvement, à la fois porteur de promesses et de risques, met en lumière une question essentielle : comment habiter le monde virtuel sans s’y perdre ?

La Turquie, par sa jeunesse, sa créativité et son ouverture internationale, possède les atouts pour inventer un modèle numérique singulier — ancré dans ses valeurs, mais tourné vers l’universel.Encore faut-il que la technologie reste un moyen au service de l’humain, et non l’inverse.

Et c’est peut-être là que réside la dimension francophone de cette réflexion : dans la fidélité à une certaine idée de la culture comme espace de dialogue, d’équilibre et d’esprit critique.La francophonie, en Turquie comme ailleurs, ne se limite pas à une langue — elle incarne un humanisme partagé, un goût du sens et de la nuance que le monde numérique, à sa manière, appelle aujourd’hui à réinventer.



Marie-Rose KORO

Présidente du Cercle Français

Conseillère des Français établis en Turquie

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